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FOCUS INNOVATION : les exosquelettes à la RATP

Comment le groupe RATP améliore les conditions de travail de ses agents

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Nicolas Stuyvers est ingénieur de formation, spécialisé en génie industriel et génie mécanique. Après 4 ans à la RATP où il travaille notamment sur les grands projets d’ateliers de maintenance et de réparation de trains, il est depuis un an responsable du programme des Nouvelles Technologies d’Assistance Physique et robotique (NTAP), l’un des quatre programmes prioritaires d’innovation portés par le Groupe RATP.

Depuis 2020, la RATP expérimente l’utilisation d’exosquelettes, notamment au sein des ateliers de maintenance des portes du RER A, à Sucy-en-Brie, Rueil-Malmaison et Torcy.

 

Bonjour Nicolas, qu’est-ce qui se cache derrière le programme NTAP ?

Ce programme s’articule autour de plusieurs champs technologiques : les exosquelettes, la cobotique (ou robotique collaborative : le robot travaille avec l’homme) et la robotique intelligente. Nous travaillons également sur la réalité augmentée, la réalité virtuelle et ce que l’on appelle les EPI connectés (les équipements de protection individuelle connectée) qui donnent les variantes des agents qui les portent : leur rythme cardiaque, la tension sur les muscles, etc. La finalité est d’améliorer les conditions de travail des agents.

Qu’est-ce qu’un exosquelette ? Comment fonctionne-t-il ? A quoi sert-il ?

Les exosquelettes étaient à l’origine utilisées dans le milieu médical, en tant que prothèses qui servaient à des patients souffrant entre autres de pertes de mobilité. Petit à petit, cette technologie a été transposée à d’autres domaines et le marché s’est développé dans diverses industries.

Un exosquelette est un outil qui permet de soulager et de diminuer les contraintes sur un poste de travail. Dans le cas de la RATP, il va grandement faciliter le travail des agents de maintenance par exemple. Il existe deux familles d’exosquelettes :

  • Les exosquelettes passifs : ils n’utilisent pas d’énergie extérieure et sont constitués d’élastomère, de ressorts. On les utilise plutôt pour accompagner le mouvement. Par exemple sur un poste qui nécessite d’avoir les bras en l’air, l’opérateur va travailler en hauteur, au niveau du plafond ou d’une toiture, donc il va lever les bras de manière continue, ce qui est particulièrement fatigant. Ce type de dispositif va donc permettre de porter le poids de ses bras.
  • Les exosquelettes actifs se rapprochent plutôt de la robotique parce que l’on va utiliser des énergies électriques, hydrauliques qui permettent d’augmenter la force. Typiquement, sur des métiers de logistique car il y a des charges à porter, alors l’assistance nécessaire est plus importante.

Quelles sont les grandes étapes nécessaires à la mise en place d’un tel programme ?

Les exosquelettes sont une solution de dernier recours. La première étape consiste à agir sur l’environnement, sur les outillages ou encore sur le matériel roulant lorsque c’est possible. On privilégie des solutions collectives car l’exosquelette est une solution personnelle.

Si un poste est trop pénible, l’agent de travail le fait savoir à son manager. Des ergonomes regardent quelles sont les postures de l’agent sur le cycle de production. Cela permet de faire un premier diagnostic, d’évaluer les membres qui sont le plus sollicités…

On crée ensuite un protocole d’intégration en commençant par faire des essais d’exosquelettes avec deux ou trois agents sur un site. On réalise des mesures de fréquence cardiaque, de tension sur les muscles qui permettent de voir si l’exosquelette diminue les contraintes. Si la synthèse de ces éléments est favorable, on teste sur un collectif plus important et sur plusieurs sites et on reproduit la même méthode. Une fois que c’est fini, une instance de décision est organisée pour décider si l’on déploie cette solution en vie courante.

Comment les exosquelettes ont été accueillis par les agents ? Qu’est-ce qu’il reste à améliorer pour déployer complètement la technologie ?

Il y a différentes phases dans l’innovation, dans la transformation. Au début, il y a de l’intérêt et de l’émulation : les gens sont intéressés par les nouvelles technologies, ils sont curieux. On est toujours très bien accueillis, on a beaucoup de volontaires pour les expérimentations et on cherche à maintenir cette dynamique.

Dès lors qu’on commence à tester la technologie, il y a des questions très pragmatiques qui se posent. Typiquement ce qui fait qu’un agent utilise ou non un outil par rapport à un autre, ce sont le temps de réglage, le temps de mise en place, le confort d’utilisation mais aussi la vision du collectif par rapport à cet outil. La dynamique sociale est très importante : par exemple l’exosquelette qui est utilisé par un agent peut représenter un signe de faiblesse au sein du collectif. Notre rôle est de briser tous ces préjugés et d’accompagner la transformation.  

Quelles sont les étapes à venir ?

Nous espérons industrialiser notre premier exosquelette bras en l’air à partir de la fin d’année 2022. Mais encore une fois c’est un projet d’innovation, et donc soumis à plusieurs paramètres : l’intégration des équipes, l’intérêt pour l’entreprise…Il y a encore ces inconnues à lever avant de le déployer. Le projet le plus avancé est celui du RER A : les ateliers de Sucy, Rueil et Torcy. Pour l’instant, il reste encore des mesures à réaliser et à s’assurer des bénéfices. Si ça se passe bien, nous irons vers une industrialisation.